Echec à l'OMC Bruxelles dénonce le refus d'une nouvelle donne mondiale
L'ouverture des échanges agricoles, au coeur des négociations à l'OMC, s'est révélée un obstacle pour le moment infranchissable, Washington n'étant pas prêt, contrairement à Bruxelles, à accepter une nouvelle donne mondiale, estimait-on lundi de sources concordantes.
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"La négociation recommencera quand les Américains seront prêts", résumait une source diplomatique, après que l'échec d'une nouvelle discussion marathon à Genève entre les six principaux acteurs a conduit à suspendre sine die des négociations entreprises en 2001. "Les Etats-Unis ont été incapables, ou n'ont pas voulu, montrer la moindre souplesse sur la question des subventions agricoles", a accusé le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson. Selon lui, tous les participants "sauf les Etats-Unis" avaient répondu à l'appel à plus de "flexibilité" lancé par leurs leaders à Saint-Petersbourg, en marge du récent sommet du G8.
Au delà du calendrier politique américain, les Européens s'interrogent sur la capacité des Etats-Unis à donner une direction nouvelle à leur agriculture. "Les Américains sont des importateurs de produits agricoles à valeur ajoutée, mais exportent comme des pays en développement. Ils déversent un flot de subventions sur un très petit nombre de produits de base (riz, coton, mais, blé) qui bloquent tout", analyse un expert communautaire. "Ils ne savent pas où ils vont dans leur réforme interne et demandent aux autres pays de payer un prix exorbitant", ajoute-t-il.
A l'inverse, les négociateurs européens, M. Mandelson et la commissaire à l'Agriculture Mariann Fischer Boel, ont pris appui sur la réforme de 2003 de la Politique agricole commune (PAC) pour faire un effort d'ouverture sans précédent, ignorant au passage les mises en garde françaises et les protestations du puissant lobby agricole européen. Accusée par les Etats-Unis d'invoquer des "produits sensibles" pour limiter l'impact des réductions tarifaires, Bruxelles répond par des chiffres: 800.000 tonnes de boeuf supplémentaires importées (soit 7 milliards de hamburgers par an), une baisse de 5 millions de tonnes des exportations de sucre, de 8 millions de tonnes pour le lait frais, une réduction d'un quart des exportations de volaille, etc. Un nouveau réexamen de la PAC, prévu à partir de 2008, devrait accentuer encore ce virage vers une agriculture à haute valeur ajoutée (dont les exportations, notamment vers les Etats-Unis, croissent en dépit de la baisse des subventions), soucieuse de l'environnement, de la qualité de l'alimentation et gardienne des paysages européens.
Alors que les précédents cycles, y compris celui de l'Uruguay conclu en 1994, avaient ignoré ou marginalisé l'ouverture des échanges agricoles, celle-ci était au contraire au coeur du "programme de développement de Doha", avec l'objectif affiché de rééquilibrer le système commercial multilatéral en faveur des pays en développement. Cela signifiait un effort d'ouverture proportionnellement plus grand des pays riches et la reconnaissance des avantages comparatifs des grandes puissances agricoles du monde en développement, comme le Brésil. "Si l'accès au marché qu'exigent les Etats-Unis vise bien les marchés agricoles des pays en développement, nous devons nous demander comment réconcilier cela avec les objectifs de développement du cycle", soulignait d'ailleurs lundi la Commission européenne. Pour l'expert communautaire, "l'OMC peut faire avancer la cause des réformes internes" des politiques agricoles des pays riches afin d'éliminer les plus graves distorsions aux échanges. Mais "un monde sans tarifs agricoles, que les Etats-Unis seraient d'ailleurs eux-mêmes incapables d'accepter, est un mythe", ajoute-t-il. La pratique américaine consistant à négocier les changements à l'OMC avant de les "vendre" au Congrès est également en cause, l'UE ayant choisi au contraire de réformer d'abord puis de consolider ses réformes à l'OMC.
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